Le grand saut (Francis Dolmani)

Nouvelles Le grand saut Dolmani chronique

Résumé :

Absurde et humour noir jubilatoire sont au menu de ces six nouvelles où la mort rôde nonchalamment… « Le Grand Saut » met en scène des personnages à priori antagonistes, bien décidés à mettre fin à leurs jours. Pourtant, ils hésitent, tergiversent, pour finalement se pencher sur les véritables raisons qui les ont amenés sur la « falaise des suicidés ». D’autres s’ignorent et se méprisent avant de se trouver des points communs et des raisons, peut-être, de ne pas sauter. Le troisième binôme réfléchit surtout à la manière de donner à leur acte tragique une touche insolite pour la postérité. Le dernier épisode voit intervenir la Mort en personne, venue soutenir un candidat au suicide que plus rien ne semble rattacher à la vie. Mais le destin réserve bien des surprises… « Sauvetage en mer » retrace l’épopée d’une famille bourgeoise en quête de sensations fortes. Volontairement perdus en pleine mer sur un radeau de survie dernier cri, ils peuvent vibrer en toute tranquillité grâce aux équipements ultramodernes de leur esquif. Mais l’arrivée inopinée de deux sauveteurs incompétents va sérieusement contrecarrer leur plan… « La route d’Aurora » peut se lire comme une comédie grinçante qui parle de communautarisme, de peur de l’autre, de liberté et de quête de sens à travers le combat de « la Fille » qui rêve d’une vie meilleure, loin de la Communauté et de ses codes rigides et sclérosants. Oniriques ou désabusés, loufoques ou tragiques, réalistes ou décalés, six récits à dévorer sans modération.

 

Mon avis :

Les quatre premières nouvelles, assez brèves, traitent d’un sujet pourtant grave, le suicide, avec une dérision et un humour qui mettent en avant la complexité de l’être humain jusque dans le moment de sa mort.
J’ai lu avec beaucoup de plaisir ces nouvelles qui ont toutes pour cadre des lieux « haut perchés » et emblématiques du territoire français (falaises d’Etretat, pont du Gard, falaises de Corse, gorges du Tarn), sites décrits en introduction de manière brève mais suffisante pour nous donner envie de les (re)découvrir !
Les personnages sont cocasses, tantôt touchants, tantôt agaçants, mais impossible de ne pas penser à des situations familières en les « voyant » se chamailler, hésiter, médire des absents, et finalement renoncer parfois à leur acte, ou au contraire plonger dans le vide, avec un narcissisme absolu, pour un dernier plongeon vers le néant qu’ils espèrent éclatant ! Choisir de mourir, pas si facile...

La cinquième nouvelle est un peu différente, elle met en scène une famille "naufragée volontaire" qui veut pimenter son quotidien par une expérience de survie. Mais attention, il ne faudrait pas que les choses tournent au drame non plus… Ni que des secours imprévus ne viennent menacer l’expérience ! Dialogues croustillants et scènes cocasses émaillent ce récit plaisant à lire.

La sixième et dernière nouvelle est plus longue et plus fouillée. Dans un monde dystopique, qu’on peut aisément comparer à notre civilisation actuelle, une petite communauté vit en se protégeant du monde extérieur devenu très violent et corrompu. Chacun a un rôle à jouer, et porte un nom en fonction de celui-ci, une forme de déshumanisation dont ils souffrent. Face à une cheffe qui décide pour tous, un des membres veut partir…
Raisonnement par l’absurde, simulacre de justice, parodie, les scènes amènent le lecteur à se questionner : est-il nécessaire d’avoir une utilité pour avoir simplement le droit d’exister ?
La peur de l’inconnu, de l’étranger, est omniprésente. On imagine le monde extérieur rempli de menaces, et pourtant, on veut fuir cette vie en univers clos qui n’en est pas une.
Mi-théâtre, mi-poésie notamment sur la fin, cette histoire m’a rappelé le mythe de la caverne de Platon. Pourquoi les cours de philo au lycée ne sont-ils pas traités à travers des nouvelles comme celle-ci ? Je les aurais beaucoup plus appréciés !

Pour conclure, un recueil varié, difficile à décrire en deux mots, mais une étude tout en finesse des caractères humains, de leur fragilité et de leurs espoirs. Avec la dérision comme arme de destruction de nos faux-semblants.

 

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